la grotte des Perrats (16) : le casque d’Agris

Mai 15, 2007 at 10:15 (archéologie, coutumes, histoire)

casque-dagris.png Chez les celtes, seuls les chefs, qui disposaient d’un char, portaient, semble-t-il, le casque, signe distinctif par excellence. Celui qui fut trouvé dans la grotte des Perrats, datant du IVeme siècle avant JC, et qu’on appelle communément le casque d’Agris, ne fut pourtant probablement réalisé que dans un but cultuel (même si c’est sans doute un casque similaire que portait Brennus lors du sac de Rome), par des artisans formés à l’école nord-alpine caractérisée par la technologie de la coque de fer au couvre nuque riveté et le placage de feuilles d’or sur le bronze avec ornementation végétale avec palmettes et lotus et motifs géométriques indéfiniment répétés.

L’absence de tout reste humain dans les parages de la découverte excluant l’hypothèse du dépot funéraire, les spécialistes s’accordent pour privilégier alors celle de l’offrande faite aux divinités du monde souterrain, aux entités chtoniennes. Les populations celtiques et pré celtiques considéraient en effet la grotte comme accès vers l’Autre Monde. C’est aussi l’archétype de la matrice maternelle, lieu de naissance et de régénération par l’initiation.

La Grotte des Perrats ne serait pas le seul sanctuaire chtonien, on en connait d’autres dans le monde celtique, en Belgique, en Bourgogne et en Dordogne notamment et le riche décor, mais surtout le serpent cornu de la paragnathide (protège joue), dont c’est la figuration la plus ancienne connue, confirme donc qu’il s’agit bien d’une pièce à finalité non utilitaire mais cultuelle: le casque serait alors un dépot -peut être dépôt de fondation- d’un petit lieu de culte rupestre. Le serpent à tête de bélier, symbole hybride de la fécondité du sol et de la force primale apparait comme on l’a vu, sur le chaudron de Gundestrup, tenu par Cernunnos, comme un attribut mais parfois aussi comme une divinité indépendante. Jean Paul Persigout, dans son “dictionnaire de mythologie celte”, cite même un nom: Segomonos, un dieu chtonien, tellurique. Celui qui décore le casque dégage d’ailleurs une impression de puissance plus accentuée par sa ressemblance avec un dragon ou un animal carnassier. On pense ici à la Vouivre, émanation de la Terre, ou au dragon qui incarne la force primordiale, tellurique, la puissance qu’on doit conquérir et maitriser, ainsi que « notre propre énergie naturelle initiale ». Dans les mythes européens, « c’est souvent le dragon, comme la sorcière, qui possède les armes qui tuent et les secrets qui guérissent » (cf Siegfried et le dragon gardien de trésor, Fafnir, ainsi que Heracles et l’Hydre de Lerne); en astrologie comme en géomancie, on retrouve la tête et la queue du dragon (noeuds lunaires ascendant et descendant) qui illustrent la base de notre existence consciente et les influences passées qui doivent être harmonisées et dépassées pour nous accomplir.

Par ailleurs, le fait que les garnitures extérieures du casque aient été démontées et fracturées, ainsi que le choc que son timbre a reçu, provoquant un fort enfoncement, apparaissent comme « un des prémices de cette pratique de destruction des armes abondamment illustrée dans les sanctuaires plus tardifs (IIIe au Ier siècle av.JC) à dépôts d’armes sacrifiées connus de l’Atlantique à l’Allemagne du sud ».

Selon José Gomez de Soto, « La fabrication du casque a mis en oeuvre des matériaux variés qui composent plusieurs centaines de pièces : fer (coque du timbre et supports des autres éléments), bronze coulé ou en feuille travaillée au repoussé (en placage sur le fer), or (en placage sur le bronze, fils, têtes de rivets), argent (rivets), corail (cabochons emplissant les alvéoles du décor et en applique sur la paragnathide), bois, cuir, et même une sorte de colle (glue?) pour fixer les pièces de corail avant rivetage ! »

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la grotte des Perrats (16): cannibalisme rituel ?

Mai 15, 2007 at 9:53 (archéologie, coutumes, histoire)

A quelque distance d’Angoulême (16), sur la commune d’Agris, en 1992 puis en 1994, on découvrit dans la grotte des Perrats des fragments d’os humains portant des marques d’incisions faites au silex, appartenant à au moins trois adultes et à deux enfants de deux et quatre ans, concentrés sur une surface n’excédant pas les 5 mètres sur 5 sous le « porche » de la grotte et remontant à sept mille ans. Un crâne notamment qui portait les traces d’une grande incision allant du nez à l’occipital, montre que la tête a été scalpée puis coupée en deux probablement pour permettre l’extraction du cerveau. La plupart des ossements, par ailleurs, portent des encoches intentionnelles, des traces de percussion avec des outils en silex et certains présentent des traces de brûlures faites sur des os encore « frais ».

Pour M. Gomez de Soto, archéologue, qui constate que les os ont été broyés comme ceux du gibier, pour en extraire la moelle, « Ce traitement semble être le même que celui appliqué par ces hommes du néolithique moyen à la viande animale. Tout ceci fait donc fortement penser à du cannibalisme ».

Il y a plusieurs sortes de cannibalisme, à savoir le « cannibalisme de carence » induit par le risque de mourir de faim qui ne semble pas pouvoir s’appliquer à cette présente découverte puisque des ossements de cerfs et de grands bovidés ont été trouvés au même niveau archéologique, le « cannibalisme rituel » et magique quand on mange le coeur, le foie ou le cerveau de son ennemi valeureux ou de son ascendant pour s’approprier ses qualités, et le cannibalisme lié à des rites funéraires. On fait aussi la différence entre l’ exocannibalisme qui implique le sacrifice de l’étranger, de l’homme extérieur au clan, à l’ethnie. Il est associé à la guerre et à la capture de prisonniers destinés à la manducation rituelle des vainqueurs selon des règles très précises ( loin d’être une expression sauvage de la  » nature  » en l’homme, il s’agit d’une manifestation culturelle dont chaque détail est soigneusement réglé), et l’endocannibalisme, rite funéraire propre à certaines sociétés qui font du corps de leurs membres la sépulture de ceux qui meurent. Leur chair est rituellement consommée et partagée selon des règles sociales précises.

 » S’il ne s’agit pas de cannibalisme, ce pourrait être le témoignage d’un rite proche de celui pratiqué par certaines populations actuelles du Népal qui consiste à dépecer le mort, à hacher la chair, à broyer les os et à abandonner cette « bouillie » aux oiseaux de proie ». Si l’on sait que le guerrier mort pouvait être abandonné à pourrir à l’air libre, offert aux vents, à l’air et aux charognards, ce serait en revanche la première fois que cette coutume serait observée en Europe.

Par la suite, la présence des hommes dans les environs de la grotte se manifeste sans interruption: elle fit office de complément d’habitats de plein air plutôt que d’habitat proprement dit, elle fut également un complexe funéraire pendant une période assez longue, et fut aussi utilisée de manière plus profane, par exemple pour stocker des céréales à quelques reprises jusqu’au IVème siècle où l’homme y enfouit le célèbre Casque d’Agris.

 

 

 

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