les coutumes du 1er mai

avril 12, 2007 at 9:34 (coutumes)

A l’arrivée du mois de Mai, on fêtait jadis le renouveau de la nature en plantant le « mai », arbre vert et décoré, symbole de son réveil printanier .

En Poitou, comme dans beaucoup de provinces, la coutume consistait aussi souvent à planter simplement un pied de buisson fleuri, d’où le nom de « mai » donné au buisson en fleurs (et récemment encore on appelait toujours l’aubépine un « mai », puisqu’elle est sensée fleurir le 1er mai).

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Les jeunes gens et les jeunes filles (celles ci vêtues de blanc) allaient chercher le « Mai » dans le bois voisin la nuit précédant le 1er mai. Ils déracinaient des arbrisseaux gorgés de sève et allaient dans les fermes où ils chantaient pour réveiller tout le monde en agitant leurs rameaux.

C’est sur la place du village, ou devant l’église que les jeunes gens plantaient ce « mai » et un bouquet de « mai » pouvait s’attacher au bout d’une perche fixée en terre, décoré de rubans. Souvent le bouquet enrubanné et la perche se plaçaient devant la demeure d’une jeune fille et les garçons regardaient flotter les rubans au vent qui leur désignait la direction du futur époux. Cette opération s’effectuait dans la nuit du 30 avril au 1er mai. Le « mai » cueilli cette nuit là s’accrochait aux portes des maisons, des granges, des caves et des écuries, comme cela se pratique encore pour le buis bénit le jour des Rameaux, afin de protéger maisons et dépendances des catastrophes. Dans certaine endroits, la nuit du 1er mai ce sont des branches de noisetier que les jeunes gens plantaient devant les maisons des jeunes filles, branches plus ou moins grandes selon l’âge des demoiselles.

Avant la dernière guerre, toujours pour le 1er mai, il était d’usage que les garçons fleurissent les demeures des jeunes filles avec des bouquets de lilas (un bouquet par fille et non par famille). Le lilas est un hommage à la beauté, il signifie innocence et modestie. Mais il pouvait aussi s’agir de bouquets de muguet ou de roses. Il arrivait que certains de ces bouquets servent de prétextes à des déclarations de la part des garçons qui en profitaient pour glisser des billets doux parmi les fleurs. Cette coutume persistait encore dans les années 50.

Les filles d’humeur acariâtre, au lieu de fleurs, récoltaient des ronces…ou une poignée d’orties au milieu du bouquet. Par endroits, la fille de propreté douteuse ramassait devant sa porte des débris de légumes ou même des ordures…ailleurs un balai !… Quant à celles qui avaient jeté leur bonnet par dessus les moulins, les garçons déversaient devant chez elles une brouettée de feuilles de choux. Dans certaines localités, on déposait une botte de paille ou de foin devant la porte. Ces « cadeaux », dit-on, venaient souvent de galants éconduits ou de garçons jaloux. Les femmes mariées qui se « tenaient mal » ne se trouvaient pas épargnées. Elles recevaient en hommage, un bouquet de « coucous » jaunes en Poitou, et un genêt fleuri en Saintonge, le jaune étant « la couleur du cocuage ».

Un bouquet de « mai » suspendu au bout d’une perche était parfois planté sur la tas de fumier pour préserver des serpents. On en mettait aussi à la porte des étables « afin que les serpents ne viennent pas téter les vaches ». Comme on plantait le jour des Rameaux une branche d’aubépine dans ses terres pour que les récoltes à venir soient prospères.
Parfois, en ce jour de 1er mai, on buvait un verre de vin blanc, on mangeait un brin d’ail et on se frottait les lèvres avec une pièce d’or de 20 francs pour avoir beaucoup d’argent. La croyance populaire voulait que le plus beau troupeau de moutons serait celui qui sortirait le premier de la bergerie ce jour là. Dans le pays des brandes, on pensait qu’en mettant un chiffon dans le talon de son sabot et en passant dans le pacage de son voisin on en ramassait toute l’herbe et qu’en prenant une fourchée de son fumier on lui enlevait « tout son jus ».

Ce matin là, enfin, les jeunes filles allaient avant le lever du soleil se débarbouiller avec la rosée pour avoir le teint frais. Et quelques unes, pour être plus belles, « se roulaient nues dans l’herbe ».

Dérivé du culte de la Déesse Mère, peu à peu détourné et placé sous la protection de la croix, de la Vierge ou des saints, les fidèles suivaient en grand nombre « l’exercice du mois de Marie » dans toutes les paroisses de Poitiers. Les nombreux oratoires dédiés à la Vierge étaient fleuris journellement et dans bien des familles s’improvisaient des sanctuaires souvent dans une « boulite » du mur, face à la nature.

Dans l’espoir de protéger la végétation encore fragile, on en vint aussi à faire des processions au milieu des cultures, pour supplier le ciel de les épargner: ce sont les Rogations, les « Rousons » en Poitou, qui avaient lieu au cours des trois jours précédant l’Ascension.
Créées en 469 à Vienne par saint Mamer, le premier des trois « saints de glace », les autres étaient Pancrace et Servais. Le cérémonial des fêtes avait encore cours il y a 100 ans à Poitiers même comme à la campagne, reprenant d’anciens rites appelant la protection des divinités de la Terre sur les récoltes. Les croix des carrefours étaient fleuries, les puits enguirlandés de verdure bénis, de même que les eaux des sources et des fontaines.
Les récoltes étaient aussi bénies tour à tour, le premier jour était consacré aux foins, le second aux moissons et le troisième aux vendanges.
Jusque dans les années 50 à Cissé (une vingtaine de kilomètres de Poitiers), les pélerins suivant leur curé se rendaient encore à la Croix Pardon, en bordure d’un vieux chemin, dont le nom « semble indiquer qu’elle avait été placée en cet endroit en expiation de quelques pratiques idolatriques ».

Avec mai débutait une multitude de fêtes villageoises: assemblées, ballades, frairies, préveils dans chaque bourg, chaque hameau avec courses et jeux. Mais en Mai, mois de la Vierge, on ne devait pas se marier, et les enfants issus d’un tel mariage n’étaient pas viables.
De toutes ces festivités, nous sont restées de nombreuses rondes et danses.

(à noter aussi, que dans la région, le 1er mai demeure confondu avec la fête de la jeunesse: la Bachellerie, spécifique au Centre Ouest et à l’Ancien régime)

 

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